Le photographe Korda, auteur de la célèbre photographie, avait accordé en 1995 une licence d’exploitation de celle-ci à Patrick Magaud. Celui-ci avait déposé la photographie comme marque communautaire en 2002.
La CA de Paris annule la marque communautaire déposée par Mr. Magaud représentant la célèbre photographie de Che Guevara, au motif que celle-ci ne saurait être une marque:
“Considérant que les parties ont abondamment souligné que la diffusion mondiale qu’a connue et que connait encore cette œuvre de Korda ; que l’écho qu’elle reçut en fait presque une sorte d’icône emblématique d’un personnage historique et à travers le destin tragique de celui-ci, d’une époque de l’histoire contemporaine ;
Que la puissance d’évocation que revêt cette œuvre aux yeux de tous n’est d’ailleurs pas contestée ;
Considérant qu’il suit que le consommateur concerné par les produits visés à l’enregistrement notamment les vêtements, les produits de l’édition, les activités culturelles, percevra la marque communautaire litigieuse non pas comme un signe lui désignant l’origine des produits ou services auxquels il s’intéresse mais comme une référence faite, à des fins politiques ou artistiques à l’œuvre de Korda qui magnifie Che Guevara ;
Qu’en d’autres termes la perception de cette photo par le consommateur est exclusive de son utilisation pour désigner à ses yeux l’origine des produits et services pour lesquels elle a été enregistrée”.
Il est intéressant de noter que la CA insiste sur le fait que la marque doit servir à indiquer l’origine des produits. Est-ce à dire que l’on ne peut utiliser l’image d’une personnalité devenue une icône? Cela voudrait dire que le marché lucratif de l’exploitation de l’image d’une personnalité décédée (ou plutôt, d’une icône décédée), n’a pas de beaux jours en perspective en Europe…
Le TGI de Paris avait dèjà eu à se prononcer sur la légalité de l’utilisation d’une photographie comme marque communautaire en 2006. Le groupe de rock Trust avait utilisé la photographie comme bannière d’arrière scène lors de l’un de leurs concerts. Mr. Magaud, et l’héritière de Korda les poursuivirent pour contrefaçon. Les défendeurs arguaient que les demandeurs ne sauraient sans violer l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme interdire rétrospectivement au groupe Trust d'exprimer leurs opinions politiques au moyen de cette image devenue un symbole de liberté et de contestation.
En outre, la marque ferait partie du patrimoine commun et ne pourrait être appropriée par le droit des marques sans détourner celui-ci de sa finalité. Elle serait également générique et usuelle.
Le TGI de Paris avait jugé l’utilisation de l’image du Che trop fugitive pour constituer une contrefaçon. La contrefaçon de marque n’était pas avérée, car l’utilisation de la photographie par le groupe Trust avait été antérieure au dépôt de la marque communautaire par Mr. Magaud.
Le TGI de Paris précisa néanmoins qu’une photographie peut être utilisée comme marque communautaire : l'enregistrement d'une marque dont le signe est protégé par le droit d'auteur n'est pas exclu par le règlement communautaire dès lors que cette hypothèse est prévue par l'article 52 de ce texte. De plus, la photographie en cause est parfaitement arbitraire pour désigner les produits et services visés à l'enregistrement de la marque dès lors qu'elle est bien utilisée dans la vie des affaires pour désigner l'origine de ces produits et services et non comme élément décoratif ; dans cette dernière hypothèse, seul le droit d'auteur est susceptible de la protéger.
Cette jurisprudence est bien plus favorable aux ayants droit de personnalités décédées, mais la CA de Paris ne semble pas y être favorable. A suivre.
No comments:
Post a Comment